En toute hypothèse (épisode 114)

en toute hypothÈSE (épisode 114)


Après ma nouvelle désillusion et cet album qui n’avait pas décollé, il me fallait un peu de recul, penser à autre chose, relativiser, même si j’étais à deux doigts d’abandonner mon rêve d’ado.
Et pour m’occuper, j’avais de quoi faire, je venais de récupérer les clés de mon appartement et j’allais engager des travaux d’envergures.
De toute façon, dans les 10 minutes qu’il m’avait fallu pour me décider à la première visite, je m’étais déjà aussi projeté dans les modifications que j’allais lui apporter.
C’était un petit F2, mais tout allait être modifié, enfin bien sûr avec mes deux mains gauches je n’y allais pas y arriver tout seul, et c’est « super-papa » qui est venu à ma rescousse.
Chef de chantier et dans le bâtiment depuis ses 14 ans, il savait presque tout faire, mais savoir tout faire est une chose mais quand on va à la dialyse 3 fois par semaine c’est autre chose.
Il avait fait un double de mes clés, et chaque fois qu’il le pouvait il était là, même quand moi je contrôlais mes plateaux repas chez Servair !
Mon frère m’avait financé un mur en pierre de parement, ma sœur, mon beau-frère, et ma mère étaient venus aussi prêter main-forte.
Même mon neveu Marwan qui était alors âgé de 3 ans balayait ce qu’il pouvait.
Mes parents qui me voyaient vivre dans ce chantier, me conseillaient vivement de revenir chez eux le temps des travaux, mais hors de question, j’étais bien avec ma cafetière, mon micro-onde et mon petit frigo au milieu des gravats, et cela me permettait d’être sur place dès le réveil et d’attaquer.
Le chantier avançait mais pas aussi vite que j’aurai voulu, faute de moyen, la main-d’œuvre était gratuite mais le matériel ça coûte cher.
Malgré cela, au fil des mois je commençais plus à vivre dans un loft que dans un taudis.
J’étais vraiment fier de nous, une fois dans l’appartement tu t’imaginais plus dans la capitale que dans la rue de Meaux de Vaujours, bien que j’aime beaucoup cette ville.
Après tous ces nombreux efforts, il me fallait des vacances ! J’étais resté en contact avec Moustapha (le designer qui m’avait fait ma première pochette) et lui me proposait pour l’été qui arrivait à grand pas, de le rejoindre à Valras, dans mon quartier général… me dire à moi de venir dans cette région, c’est comme m’inviter à manger une glace à l’italienne (rire) !
À Valras il était responsable des animateurs dans un camping standing et il avait à disposition un mobil-home avec deux chambres, alors début juillet je parcourus les 900 kms tout seul, et débarquais au bord de la Méditerranée.
Sur la route, je m’étais acheté un livre dans une station-service, je savais que j’allais être souvent seul alors « ne le dis pas à maman » de Tony Maguire allait me suivre partout, il faut savoir qu’à ce moment précis je n’avais jamais lu un livre de ma vie, mais le bandeau sur l’ouvrage qui disait « le livre qui a déjà bouleversé plus de 500 000 personnes » m’avait interloqué.
Donc, je retrouvais mon nouvel ami et ce jour-là il était de repos, ainsi, dès mon arrivée nous allions à la plage. Fatigué mais heureux d’être là, je m’étalais et faisais la crêpe.
Moustapha était plus que sociable, il engageait la conversation avec une dame et ses deux filles à côté de nous. Mon ami avait plus le faciès d’un italien que d’un algérien kabyle, moi qui avais ma tête tournée, j’écoutais la discussion et là, j’ai failli mourir.

La dame :

– Vous avez vu le nombre d’arabes ici ?

Mon pote :

– M’en parlez pas, y’a que ça !

Déjà, je commençais à me retenir d’éclater de rire.

La dame :

– Nous avons quitté la Belgique, parce que dans notre quartier y’a que ça, vous savez, il y a une fontaine sur la place du village, ils vont laver leurs linges dedans, ils se baignent, des vrais dégueulasses.

Mon pote :

– Ah, les gros porcs !

Et moi j’en pouvais plus, je pouffais de rire.
Et la dame pour conclure dit à mon ami :

– Votre copain là, il rigole, il est peut-être arabe lui ?

en toute hypothÈSE (épisode 114)


Après ma nouvelle désillusion et cet album qui n’avait pas décollé, il me fallait un peu de recul, penser à autre chose, relativiser, même si j’étais à deux doigts d’abandonner mon rêve d’ado.
Et pour m’occuper, j’avais de quoi faire, je venais de récupérer les clés de mon appartement et j’allais engager des travaux d’envergures.
De toute façon, dans les 10 minutes qu’il m’avait fallu pour me décider à la première visite, je m’étais déjà aussi projeté dans les modifications que j’allais lui apporter.
C’était un petit F2, mais tout allait être modifié, enfin bien sûr avec mes deux mains gauches je n’y allais pas y arriver tout seul, et c’est « super-papa » qui est venu à ma rescousse.
Chef de chantier et dans le bâtiment depuis ses 14 ans, il savait presque tout faire, mais savoir tout faire est une chose mais quand on va à la dialyse 3 fois par semaine c’est autre chose.
Il avait fait un double de mes clés, et chaque fois qu’il le pouvait il était là, même quand moi je contrôlais mes plateaux repas chez Servair !
Mon frère m’avait financé un mur en pierre de parement, ma sœur, mon beau-frère, et ma mère étaient venus aussi prêter main-forte.
Même mon neveu Marwan qui était alors âgé de 3 ans balayait ce qu’il pouvait.
Mes parents qui me voyaient vivre dans ce chantier, me conseillaient vivement de revenir chez eux le temps des travaux, mais hors de question, j’étais bien avec ma cafetière, mon micro-onde et mon petit frigo au milieu des gravats, et cela me permettait d’être sur place dès le réveil et d’attaquer.
Le chantier avançait mais pas aussi vite que j’aurai voulu, faute de moyen, la main-d’œuvre était gratuite mais le matériel ça coûte cher.
Malgré cela, au fil des mois je commençais plus à vivre dans un loft que dans un taudis.
J’étais vraiment fier de nous, une fois dans l’appartement tu t’imaginais plus dans la capitale que dans la rue de Meaux de Vaujours, bien que j’aime beaucoup cette ville.
Après tous ces nombreux efforts, il me fallait des vacances ! J’étais resté en contact avec Moustapha (le designer qui m’avait fait ma première pochette) et lui me proposait pour l’été qui arrivait à grand pas, de le rejoindre à Valras, dans mon quartier général… me dire à moi de venir dans cette région, c’est comme m’inviter à manger une glace à l’italienne (rire) !
À Valras il était responsable des animateurs dans un camping standing et il avait à disposition un mobil-home avec deux chambres, alors début juillet je parcourus les 900 kms tout seul, et débarquais au bord de la Méditerranée.
Sur la route, je m’étais acheté un livre dans une station-service, je savais que j’allais être souvent seul alors « ne le dis pas à maman » de Tony Maguire allait me suivre partout, il faut savoir qu’à ce moment précis je n’avais jamais lu un livre de ma vie, mais le bandeau sur l’ouvrage qui disait « le livre qui a déjà bouleversé plus de 500 000 personnes » m’avait interloqué.
Donc, je retrouvais mon nouvel ami et ce jour-là il était de repos, ainsi, dès mon arrivée nous allions à la plage. Fatigué mais heureux d’être là, je m’étalais et faisais la crêpe.
Moustapha était plus que sociable, il engageait la conversation avec une dame et ses deux filles à côté de nous. Mon ami avait plus le faciès d’un italien que d’un algérien kabyle, moi qui avais ma tête tournée, j’écoutais la discussion et là, j’ai failli mourir.

La dame :

– Vous avez vu le nombre d’arabes ici ?

Mon pote :

– M’en parlez pas, y’a que ça !

Déjà, je commençais à me retenir d’éclater de rire.

La dame :

– Nous avons quitté la Belgique, parce que dans notre quartier y’a que ça, vous savez, il y a une fontaine sur la place du village, ils vont laver leurs linges dedans, ils se baignent, des vrais dégueulasses.

Mon pote :

– Ah, les gros porcs !

Et moi j’en pouvais plus, je pouffais de rire.
Et la dame pour conclure dit à mon ami :

– Votre copain là, il rigole, il est peut-être arabe lui ?